Si de nos jours, le village de Richerenches (Vaucluse) est largement connu pour son marché aux truffes, il fut bien avant cela, une commanderie templière. En effet, l’ordre des Templiers, sous la houlette du frère catalan Arnaud de Bedos, y fonde en 1136, une maison templière. Elle prend place sur le Lieu-dit Ricarensis, qui deviendra par la suite, Richerenches. Ces terres sont offertes par le seigneur local, Hugues de Bourbouton (Hugo de Bolbotone), un peu poussé, il est vrai, par l’évêque de Tricastin, Pons de Grillon. Très rapidement, elles voient la construction d’une ferme fortifiée et d’une chapelle (terminée en 1 147). Les Templiers de Richerenches y séjourneront pendant près de deux siècles.
Au sommaire :
Les Templiers de Richerenches en Provence
C’est donc en 1136 que les Templiers de Richerenches s’implantent en Provence afin d’y fonder une commanderie, selon le modèle défini par l’ordre.
Qu’est-ce qu’une commanderie templière ?
Une commanderie est en fait un ensemble de bâtiments à visées agricoles. Certains abritent des logis qui comprennent la cuisine, le cellier, le réfectoire et le dortoir. D’autres bâtiments sont affectés aux ateliers, aux granges ou aux abris à charrettes. D’autres encore regroupent plus particulièrement les abris des animaux : étables, écuries, porcheries et autres. Les commanderies disposent également de colombiers.
Un lieu de formation et solidarité
Ces établissements appartiennent à un ordre religieux et militaire, les Templiers. On y trouve donc les commandeurs, les prieurs, les baillis ainsi que les chevaliers. Elles font ainsi à la fois, office de ferme, de monastère et de caserne. Selon les règles instituées par l’ordre, certaines commanderies disposent d’un hôpital. On y soigne les malades ainsi que les frères blessés au combat. Celles qui sont implantées le long des chemins de pèlerinage, accueillent les pèlerins. Elles sont parfois un refuge pour les frères trop âgés pour prendre part au(x) combat(s).
Un espace protecteur pour les frères et les biens
Si elles sont effectivement entourées de murs, elles ne sont pas pour autant toutes fortifiées. Du moins au début de l’ordre. Seules les commanderies implantées en terres de croisades disposent de fortifications.
Les Templiers de Richerenches : la naissance d’une commanderie
Nous sommes en 1136 et Robert de Craon est le grand-maître de l’ordre des Templiers. Cette même année, Hugues, seigneur de Bourbouton, ainsi que plusieurs de ses vassaux, font don de plusieurs biens à l’ordre du Temple. À cette date, ces terres sont inhabitées et totalement dépourvues de cultures. Elles sont alors données en franc-alleu, « à Dieu et au Temple, et pour toujours, pour que Dieu soit propice à leurs péchés et à ceux de leurs parents ».
Construction de la maison principale par les Templiers de Richerenches
Les travaux de construction de l’imposante maison templière (30 mètres par 7) et de la chapelle débutent dans la foulée. Suite à des problèmes de stabilité, la maison subit quelques travaux de renforcement (contreforts et voûte en berceau brisé). Elle passe ainsi à près de 32 mètres de long et plus de 10 mètres de large. Il semble que la partie basse ait sans doute été réservée à l’usage agricole (forge, ateliers) et le premier étage au logis du commandeur.
Naissance du village
Le village se groupe rapidement à l’abri des remparts de cette maison fortifiée. La Commanderie ne cesse alors s’agrandir. Il apparaît néanmoins que le premier tracé de l’enceinte fortifiée était plus petit que celui des remparts actuels du village. La maison templière s’inscrit dans un quadrilatère de 74 mètres au nord, 81 mètres au sud, 58 mètres à l’est et 55 mètres à l’ouest. Elle est entourée de remparts et de tours. Pas d’innovation de ce côté-là, les Templiers la bâtissent dans le style de la région de l’époque. Ils ne sont d’ailleurs pas architectes, mais soldats.
Les Templiers de Richerenches et leurs acquisitions
En 1138, soit deux ans plus tard, le nom de la maison de Richerenches apparaît. Elle est alors officiellement une commanderie templière et a désormais sous ses ordres, plusieurs maisons de Provence. Les Bourbouton bien sûr, mais aussi Cairanne, qui possède encore actuellement un bout du donjon des Templiers et Sainte-Cécile-les-vignes, entre autres. L’année suivante, en 1139, le seigneur Hugues, devenu frère Templier, cède tous ses biens à l’ordre.
La commanderie continue son expansion et gagne encore en terres et en droits sur les seigneurs voisins. Elle englobe désormais Lagarde-Paréol, Valréas, Visan ou encore Grillon, cédé par le seigneur Guillaume de Grillon. C’est d’ailleurs à cette époque qu’y fût creusé le canal de l’Aulière. Il sert alors à capter les eaux de la grande fontaine et alimente les moulins du village ainsi que ceux de Richerenches.
Richerenches, chef de juridiction
Dès la fin de la construction de l’église, toujours en 1138, Richerenches devient une maison régulière. Elle est également une préceptorie, c’est-à-dire une école gérée par les religieux. Elle sert ainsi de lieu de formation pour les jeunes moines-soldats. Comme dans toutes les commanderies de France et de Provence, la vie s’y déroule selon les règles de l’ordre : prière et travail. La construction et l’expansion de la commanderie est l’affaire de tous.
En véritable fondateur, Hugues de Bourbouton prend alors la fonction de commandeur. Il entreprend de grands travaux d’assèchement des marais afin de permettre l’expansion de la commanderie. Il restera le commandeur de Richerenches jusqu’en 1151, date de sa mort.
Un développement ininterrompu
Richerenches ne va jamais cesser de s’étendre jusqu’à la chute des templiers en 1312. Elle est à cette date, la plus importante de Provence et son influence s’étend alors sur une bonne partie de la Provence.
Les Templiers de Richerenches : une réputation sans faille
La réputation de la commanderie Templière de Richerenches va se faire notamment sur ses élevages de chevaux, mais aussi de ses productions locales.
Une commanderie réputée jusqu’en Terre sainte
Le haras de la commanderie de Richerenches est particulièrement renommé pour la qualité de son élevage de chevaux. En effet, la plupart sont envoyés en Palestine par voie maritime, afin d’y participer aux combats. Solides et endurants, ils sont sélectionnés pour supporter aussi bien le poids du chevalier et de son armure, que pour encaisser les chocs. Il s’agit en vérité de destriers de guerre. Richerenches est reconnue à cette date comme étant le premier de haras de France.
Une ferme modèle
Les autres activités de la commanderie de Richerenches sont axées sur la culture de la vigne et du blé. On y trouve des moulins à farine, et une importante production de légumes et de fruits. Un élevage de moutons permet de produire de la laine. Tout cela fait de cette commanderie provençale, une véritable ferme modèle entièrement autonome. D’abord incultes, les terres offertes à l’ordre par Hugues de Bourbouton, sont asséchées puis travaillées par les moines. Ce qui n’était que garrigue, étang ou marais, devient une riche exploitation agricole, qui fournit les frères basés en Palestine.
La fin des Templiers de Richerenches
Chacun sait que l’essor des Templiers fut rapide et d’une telle importance que le Roi de France Philippe IV le Bel, finit par en prendre ombrage. Les dettes accumulées envers les Templiers sont peut-être à l’origine de la rancœur du Monarque. Le vendredi 13 octobre 1307, tous les Templiers de France sont arrêtés simultanément sur ordre du Roi. Leurs biens sont confisqués. Il s’en suivra interrogatoires, tortures, procès et passages sur le bûcher. Les templiers de Richerenches subissent le même sort que leurs frères des autres commanderies françaises.
La dissolution du temple
C’est alors que Clément V, premier des sept papes avignonnais, sous la pression de Philippe le Bel, ordonne la dissolution du Temple en 1311. Celle-ci est scellée lors de concile qui se tient en la Cathédrale Saint-Maurice de Vienne (Isère) en 1312. Le 22 mars, Clément V fait approuver la suppression de l’ordre par la Bulle « vox in Excelso »». Né du concile de Troyes en 1129, l’ordre crée par Hugues de Payns voit sa fin signifiée par un autre concile. C’est alors Jacques de Molay qui en est le grand Maître. Guillaume Hugolin de Richerenches sera quant à lui, le dernier commandeur de Richerenches.
Richerenches simple territoire papal
La Commanderie des Templiers de Richerenches est alors abandonnée aux mains des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Cet ordre religieux et militaire, est bien moins puissant que les Templiers. Ils abandonnent la commanderie quelques années plus tard au Pape Jean XXII. Nous sommes alors en 1320. Richerenches, devient un simple « territoire papal » au même titre que Valréas et Grillon. Visan suivra quelques années plus tard. Le pape Clément VI, successeur de Clément V mort en 1314, rattache ce bien du dernier Dauphin Humbert II, au Comtat Venaissin. C’est ainsi que prend fin l’histoire de la puissante commanderie templière du Vaucluse.
La commanderie de Richerenches, de nos jours
La commune rachète la Commanderie en 1984 afin de la préserver. Le 28 décembre de la même année, elle est classée aux monuments historiques. Elle a été restaurée en 2008 et ses vestiges peuvent se visiter. Ils se situent au centre du joli village provençal de Richerenches, commune de l’enclave des papes ou enclave papale. Ce territoire vauclusien porte le nom d’enclave, car il est littéralement encastré dans le département de la Drôme. Visan, Valréas, Grillon et Richerenches sont les quatre communes qui composent actuellement cette enclave située au cœur de la Drôme provençale.
Suivez le guide
Un parcours borné vous guide dans les ruelles et le long des remparts de l’ancienne commanderie templière de Richerenches. Il vous renseignera sur la vie des moines-soldats ou chevaliers du temple qui l’occupaient. Le circuit débute devant le beffroi du XVIe siècle.
Les remparts
Levez la tête ! La tour de l’horloge par laquelle vous pénétrez dans l’enceinte du village fortifié mérite qu’on s’y attarde. Elle présente un très beau campanile en fer forgé et une lourde porte en bois cloutée. Elle était à l’époque templière l’unique accès à la commanderie. Attardez-vous sur les mâchicoulis, les meurtrières et l’épaisseur des murs, traces d’un passé ou les fortifications n’étaient pas inutiles. La présence de piles de renfort et l’étroitesse des fenêtres ne laissent en effet guère de doute. Richerenches à bien été conçue comme une forteresse. Le cadran solaire se trouve quant à lui sur le Cours du Midi, juste au-dessus du porche.
L’église Saint-Denis
Prenez le temps d’admirer les vestiges de la chapelle templière dont il ne subsiste que l’abside. C’est ici que se trouve enchâssée, la fameuse pierre templière gravée du nom d’un des premiers commandeurs de Richerenches : Hugues de Bourbouton. Elle sert de chevet à l’église actuelle du village. Achevée en 1147, l’église templière fut détruite avec l’abolition de l’Ordre du Temple. Elle fut ensuite reconstruite au début du XVIe siècle. Elle a finalement été entièrement rénovée en 1994. Un puits de l’époque templière se trouve juste à côté.
La Grange Templière ou Temple.
Comme nous l’avons vu plus haut, la la grange templière est le plus imposant des bâtiments de Richerenches. Elle est le cœur de la commanderie templière. Elle abritait le cellier des templiers et le le haras des templiers au sein de le ferme de la commanderie richerenches.
Un musée de la truffe, du vin et du monde agricole
Au rez-de-chaussée, admirez d’abord la magnifique salle voûtée. Elle abrite désormais un petit musée dédié à la truffe et au vin (Côtes du Rhône et Coteaux du Tricastin de Richerenches). Vous vous plongerez ensuite au cœur du monde agricole de la Provence en visitant l’exposition consacrée aux vieux outils. En sortant de ce petit musée, vous serez incollable sur le Diamant Noir de Richerenches, la truffe Tuber Melanosporum. Le village est, en effet, le marché le plus important d’Europe !
Il se déroule chaque samedi matin sur le Cours du Mistral et l’Avenue de la Rabasse, de mi-novembre à mi-mars. Au mois de janvier, une messe en l’honneur de Saint-Antoine, patron des trufficulteurs, est donnée à Richerenches. La truffe noire est également célébrée comme il se doit par la Confrérie des Chevaliers Dignitaires et Vénérables du Diamant Noir et de la Gastronomie, dite Confrérie de la Truffe Noire.
Une évocation dédiée aux frères templiers de Richerenches
Comme pour faire le lien entre les deux étages, une exposition sur les Templiers débute au rez-de-chaussée d’abord et se poursuit sur la coursive à l’étage. Elle permet de mieux appréhender l’histoire de la commanderie et la vie des moines-soldats. Une reproduction en maquette de la Commanderie telle qu’elle était au XIIe siècle y est visible.
Un lieu d’exception pour la vie artistique
À l’étage, la salle voûtée (70 places assises), splendide, sert de salle de spectacles (concerts, pièces de théâtre, etc.) ou de conférences. Elle accueille également régulièrement des expositions de dessins, de peintures, de photographies, de sculptures et bien d’autres manifestations artistiques.
Des vestiges hors les murs
Quittez le centre du village médiéval et dirigez-vous par le chemin de Bourbouton vers la chapelle Saint-Alban. Cette dernière est en fait l’ancienne chapelle de Bourbouton. Reconstruite en 1338 sur une ancienne chapelle du Xe siècle, elle a été joliment rénovée.
Le village de Richerenches
Le village de Richerenches se situe tout près de sites touristiques de renom. Vous pourrez ainsi vous rendre au Château de Madame la marquise de Sévigné à Grignan. Le village est classé « Plus Beaux Villages de France ». Continuez vers Vaison-la-Romaine. Allez ensuite flâner dans Nyons et ses oliveraies et bien sûr, grimpez jusqu’au sommet du mythique géant de Provence. Le célèbre Mont Ventoux.
Les commandeurs successifs de la commanderie de Richerenches :
- Arnaud de Bedos /1136
- Gérard de Montpierre / 1138
- Hugues de Bourbouton / 1139
- Ugo (ou Hugues) de Panaz / 1141
- Hugues de Bourbouton / 1145
- Déodat de l’Etang / 1151
- Guillaume de Biais / 1161
- Déodat de l’Etang 1162
- Foulques de Bras 1173
- Pierre Itier / 1179
- Hugolin / 1180
- Raimond / 1200
- Déodat de Bruissac / 1205
- Bermond / 1216
- Bertrand de la Roche / 1230
- Roustan de Comps / 1232
- Raymond Seguis / 1244
- Raymond de Chambarrand / 1260
- Ripert Dupuy / 1280
- Guillaume Hogolin 1288
- Pons d’Alex / 1300
- Raimbaud Alziari / 1304
- Guillaume Hugolin / 1308-1312 fut le dernier commandeur des Templiers de Richerenches avant la dissolution de l’ordre.
Jack a dit.
Si vous êtes passionné par l’histoire des Templiers de Richerenches et leurs mystères, allez visiter ce lieu majestueux. Sinon, il existe de nombreux livres traitant de ce sujet passionnant et surtout une multitude de romans. Près de 1 000 ans après le Moyen-âge et ses mystères passionnent encore. Les templiers font travailler l’imagination déjà fertile de centaines d’auteurs. Plongez donc dans notre sélection et offrez-vous plusieurs de ces romans palpitants. Ceux de Steve Berry, dont nous avons déjà parlé, mais aussi ceux d’auteurs moins connus. Ils n’attendent qu’à être découverts. Maison hospitalière, commanderie, ordre de Malte, trésor, ces mots et cette période médiévale particulière en font fantasmer plus d’un. Alors à votre tour de partir en croisade.