
Le cœur de Jack est en Provence. Il vous a déjà emmené à Avignon, à la commanderie templière de Richerenches ou à Mazan. Il vous a fait découvrir les gorges de la Nesque, le mur de la peste, le village des bories et le petit monde des santons. Côté gourmandise, il vous a fait goûter le muscat de Beaumes et les berlingots de Carpentras. Mais aujourd’hui, Jack se replonge dans son enfance Lyonnaise. Voici pour vous, la petite histoire d’un personnage qui a marqué les gones de la capitale des Gaules : Guignol, l’emblème de la ville de Lyon, né sur les pentes de la Croix-Rousse.
Au sommaire :
La petite histoire de Guignol, née de l’impertinence d’un canut
Tous les gones ont déjà assisté à un spectacle de Guignol. Les gones ? Non, non, il n’y a pas d’erreur, vous avez parfaitement lu. Car oui, Guignol est un Lyonnais pure souche, et à Lyon, ce ne sont pas les enfants qui vont au spectacle, ce sont les gones. Mais au fait, connaissez-vous l’histoire de Guignol cette marionnette connue et appréciée des petits et des grands, emblème de la capitale des Gaules ?
Le papa de Guignol, de la soie des riches à la voix du peuple
Pour répondre à la question « qui est guignol ?« , remontons à l’origine de le la création de cette célèbre marionnette. Laurent Mourguet est issu d’une famille de canuts lyonnais (maîtres-tisserands). Père de dix enfants, il a bien du mal à nourrir sa famille. Mais Monsieur Mourguet est un homme plein de ressources. Le voilà donc parti sur les routes, d’abord comme forain, puis comme dentiste. Ou plutôt, comme arracheur de dents. Cependant, les cris de ses patients font fuir toute clientèle et il lui est bien difficile de gagner sa vie. Pour essayer de détourner l’attention de ses rares clients de la douleur, il a l’idée de les distraire.
Pour cela, il leur raconte des histoires, en s’aidant d’une marionnette bien connue, Polichinelle. Les badauds s’arrêtent et rient, et Mourguet devient populaire. Conscient de son potentiel comique (et de ses piètres talents de dentiste), il se reconvertit en saltimbanque conteur d’histoires. Celui qui ne sait ni lire, ni écrire devient alors marionnettiste.
Guignol, petit frère de Polichinelle
De retour à Lyon, il s’installe dans le jardin du petit Tivoli, allée des Brotteaux, en plein cœur de Lyon. Son castelet voit défiler tout le peuple de Lyon. Grégoire Lambert Ladré un bonimenteur, violoneux, que tout le monde appelle « le père Thomas », lui donne spontanément la réplique lors de l’un de ses spectacles. Le succès est tel que les deux compères se prennent au jeu. Mais le père Thomas n’est pas toujours présent et la fréquentation s’en ressent.
Mourguet crée alors à l’image de son acolyte, le personnage de Gnafron, lui aussi très grand amateur de Beaujolais. Cela explique sans nul doute son beau nez rouge, ses joues légèrement écarlates et sa bouche édentée. Un galurin (chapeau) posé en travers du crâne et un tablier de savetier complètent la tenue de Gnafron. D’ailleurs, le nom de Gnafron vient de « gnafre », un regrolleur (cordonnier).

Puis apparaît ensuite, notre ami Guignol, animé par Mourguet lui-même. Il va ainsi prendre la place de Polichinelle. Le duo mythique de la ville de Lyon est né.
Guignol, quel drôle de nom !
L’origine du nom de Guignol fait souvent débat et plusieurs théories s’affrontent. Il viendrait de « guignolant » qui signifierait « drôle » ou « guigne » qui s’emploie dans l’expression avoir la guigne. Certains pensent que ce pourrait être le dérivé du nom d’un village de Lombardie, Chignolo, qui avait une tradition de marionnettes. Il est vrai que dans certaines pièces, Gnafron l’appelle «Chignol ». Mais là encore, aucune certitude.
Guignol, un Lyonnais à la langue bien pendue
Guignol est en fait ce qu’on appelle une marionnette à gaine. Le gone le plus célèbre de France vient au monde, déjà adulte, le 24 octobre 1808. Son papa, Laurent Mourguet est donc un soyeux lyonnais reconvertit en conteur d’histoires. La marionnette d’origine est sculptée dans du tilleul. Certains disent qu’elle serait inspirée de la propre image de Laurent Mourguet. D’autres, qu’elle représenterait un de ses voisins, un canut, comme lui. La tenue de Guignol se compose d’un long sarsifi (cadogan), d’un chapeau de cuir plat, d’une vagnotte (redingote) marron à boutons dorés et d’un nœud papillon rouge. Sans oublier sa célèbre tavelle (trique). Cet attirail le rend ainsi reconnaissable d’un simple coup d’œil.
Guignol, porte-parole des petites gens
Guignol est un jeune homme plein de vie. Il est certes, impulsif et soupe au lait, mais toujours respectueux. Il adore faire la fête, a beaucoup d’esprit et d’imagination, ce qui lui permet de dire ce qu’il pense. Notre petit ami lyonnais n’a, en effet, pas son faret (sa langue) dans la poche. Car en réalité, le spectacle de Guignol est destiné aux adultes, et non au jeune public. En effet, Guignol, c’est d’abord le défenseur de l’opprimé. Il se bat pour la justice et dénonce l’injustice sociale avec beaucoup de finesse et d’humour, dans un parler lyonnais aussi grivois que riche d’expressions truculentes. C’est qu’il en a de la gouaille !
Le gone de la croix-rousse muselé
Ancêtre des chansonniers, le personnage de Guignol, frondeur et contestataire, dérange. En 1852, Napoléon III, lassé de ses impertinences, imposera la censure. La plupart des spectacles de Guignol doivent alors être soumis à une lecture en préfecture.
Guignol orphelin pleure son papa, mais the show must go on !

Laurent Mourguet joue de plus en plus souvent à Vienne, dans l’Isère, tout près de Lyon. Il s’y installe avant d’y prendre sa retraite. Le papa de Guignol y décédera le 30 décembre 1844 à 5 heures du matin (selon l’acte de décès n°483), au numéro 43 de la rue des clercs. Une plaque commémorative apposée sur le fronton lui rend hommage. Il avait 75 ans.
Mais ne cherchez pas la tombe du papa de la marionnette célèbre dans le monde entier. En réalité, on ignore où il fut réellement inhumé. En effet, le cimetière actuel de Pipet n’existait pas dans sa configuration actuelle. Il aurait donc probablement été enterré dans le cimetière paroissial de l’abbaye Saint-André-le-Haut, « le clos », qui n’existe plus aujourd’hui.
Le spectacle continu
La famille Mourguet, représentée par Jean-Guy Mourguet, a assuré les spectacles de marionnettes de Guignol dans le théâtre « du Petit Bouif » de la rue Saint-Georges jusqu’en 1990. Après la dernière représentation, J-G Mourguet à légué les marionnettes, les accessoires et les documents du théâtre à la ville de Brindas (Rhône), commune où il a résidé jusqu’à sa mort en 2012. Un musée-théâtre y avait été ouvert en 2008.
L’hommage de la ville de Lyon
Un buste du père de Guignol est implanté avenue Doyenné dans le 5ème arrondissement de Lyon, et une rue porte son nom. Il figure également sur la fresque des Lyonnais, mur peint à l’angle de la rue de la Martinière et du quai Saint-Vincent, en compagnie de Paul Bocuse, de l’Abbé Pierre et de Frédéric Dard, entre autres. Guignol est aujourd’hui l’emblème de la ville de Lyon.
Guignol dans le cœur des Lyonnais
Le petit canut facétieux tient encore et toujours, une place privilégiée dans le cœur des Lyonnais et des habitants de la région lyonnaise. Il existe d’ailleurs plusieurs théâtres de marionnettes de Guignol, dont le théatre de marionnettes du parc de la tête d’or, qui continuent de faire la joie des parents et des enfants.
Les autres personnages principaux du théâtre de Guignol

Il existe bien sûr d’autres personnages dans le monde de Guignol. Voici les principaux.
- Madelon est la fenotte de Guignol. Son épouse. Elle porte un bonnet, une robe à fleurs et ne quitte jamais son devanti (tablier). Elle est travailleuse, un peu bougonne, mais très débrouillarde.
- Toinon est la femme de Gnafron. Comme son mari, elle représente la sagesse.
- Le propriétaire de la maison de Guignol est M. Canezou.
- Toujours à la poursuite des méchants, le gendarme Flageolet répond toujours présent. Il arrête les voleurs et les amène devant le juge, Monsieur le Bailli.
Allez, faites ficelle et tous au spectacle de Guignol !